Comprendre l'automutilation

Self Harm
March 1, 2024
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Entrevue avec Dre. Edith St-Jean-Trudel, psychologue clinicienne, enseignante, chercheuse et auteure du livre « 10 questions sur… L’automutilation chez l’adolescent et le jeune adulte ».

Qu’est-ce que c’est?

L’automutilation est définie comme la destruction auto-infligée des tissus corporels de façon délibérée et répétée, sans intention consciente de se suicider (Muehlenkamp, Claes, Havertape, & Plener, 2012). L’automutilation se retrouve généralement deux fois plus souvent chez les femmes que les hommes (Madge et al., 2012). Plusieurs motifs différents peuvent expliquer l’adoption d’un tel comportement. Bien souvent, « c’est en lien avec la communication, c’est ce que j’ai observé dans ma pratique et dans mes recherches aussi », rapporte la chercheuse et enseignante de psychologie du Cégep de Saint-Jérôme. La communication, étant moins facile dans certaines dynamiques familiales, le jeune serait donc poussé à s’automutiler dans le but de montrer des marques tangibles d’une souffrance qui n’a pas été exprimée verbalement et pour communiquer sa détresse. Selon Dre. St-Jean-Trudel, « il y a aussi un phénomène de contagion entre les jeunes, pour ce qui est de l’automutilation. » Si cet acte est utilisée par un jeune, elle aura tendance à être retrouvée chez d'autres individus d’un même cercle d’amis.

 

La gestion des émotions peut également être une autre fonction à l’automutilation, où des moments difficiles, entre autres la pandémie peut-on croire, peuvent précipiter ce comportement (Jefsen et al., 2020). « C’est une façon de transférer la douleur psychique en douleur physique. Puis c’est comme si cela génère une accalmie », déclare la psychologue. De plus, elle ajoute que l’automutilation peut aussi être caractérisée par son côté punitif. Elle nous éclaire sur le sujet en expliquant que les jeunes qui vivent de l’intimidation, qui se sentent socialement inadéquats ou qui se sentent rejetés, peuvent s’automutiler pour calmer momentanément la culpabilité permanente qu’ils endurent.

Selon son expérience clinique, la psychologue déclare que beaucoup de personnes qui s’automutilent disent que le fait de s’auto-infliger une douleur apporte un sentiment de soulagement immédiat. Ici, nous pouvons soulever un paradoxe : puisque la douleur peut être évitée dans ces situations, elle peut devenir déstabilisante pour un proche. L’automutilation génère un « rush d’adrénaline » intense en plus de la sécrétion d’endorphines, suite à la douleur, qui crée un espèce de soulagement temporaire. La douleur peut alors momentanément paraître réconfortante, « parce que c’est visible, c’est palpable, c’est concret, alors que le psychisme, la détresse et les émotions, sont très abstraits », rapporte Dre. St-Jean-Trudel.

 

Chez les jeunes adolescents ou adultes

 

L’automutilation disparaît peu à peu avec l’âge, même si certains troubles de santé mentale peuvent persister. L'enseignante déclare que ceci est plausiblement expliqué par le développement d’une maturité cérébrale. «Il y a une hypothèse aussi qui ferait un lien, que justement, à plus ou moins 25 ans, l’automutilation a tendance à cesser»,rapporte la psychologue. Les lobes frontaux du cerveau sont les dernières portions à arriver à maturation. Ces lobes ont pour rôles l’inhibition et la gestion de l’impulsivité; des comportements complexes. Ils nous amènent à évaluer les conséquences à moyen et long termes (Arainet al., 2013). « C’est d’ailleurs pour ces raisons que les ados sont plus enclins à prendre des risques », rappelle-t-elle.  

 

La mentalisation et la conscientisation permettent de nommer les émotions et de déterminer d’où vient la souffrance. Lorsque l’anxiété nous submerge, l’être humain a tendance à figer face aux émotions négatives, ce qui active le système limbique du cerveau, chargé des mécanismes de « survie ». Par contre, lorsqu’on creuse pour mettre le doigt sur les sources d’anxiété et de détresse, l’activation du cortex cérébral frontal augmente. Il est alors plus évident de restructurer ses pensées et d’adopter des comportements plus adaptés vis-à-vis une situation difficile (Batemanet Fonagy, 2010).

 

L’automutilation n’est jamais une bonne solution

 

« [L’automutilation] doit être évitée parce que ça vient avec des conséquences qui peuvent être graves, justement des blessures, des risques d’infections et des cicatrices.(…) Elles peuvent être des rappels de mauvais souvenirs d’une période difficile. », explique l'enseignante. Les cicatrices pourraient nuire à la personne, car ce n’est pas socialement accepté. La psychologue rappelle aussi que, malgré les études qui se contredisent à ce sujet, l’automutilation pourrait être un facteur de risque au suicide, « raison de plus pour l’éviter le plus possible » (Germain et St-Jean-Trudel, 2018).

 

Les stratégies sont très individuelles, car il faut d’abord évaluer le motif qui pousse le jeune à s’automutiler. Par exemples, l’apprentissage de techniques de gestion d’émotions ou des interventions pour améliorer la communication pourraient être bénéfiques. Des stratégies d’urgence ayant pour but de reconnecter avec le moment présente sont recommandées pour éviter les crises. Parmi elles, se regarder dans un miroir, apaiser la détresse avec des objets qui nous amènent un certain soulagement et appeler une personne de confiance peuvent réellement diminuer l’envie impulsive de s’automutiler. Ces stratégies ont été identifiées comme fonctionnelles par la psychologue Edith St-JeanTrudel.

Pour te sentir mieux, l’automutilation n’est jamais une bonne solution. Nurau rappelle qu’il existe des lignes d’écoute (chat, appel, textos) qui sont là pour t’aider ! À l’école, il peut y avoir des intervenants ou un adulte de confiance qui peut devenir ta personne-ressource. En parler, ça n’amène que du bien !

 

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Crédit à William Lemon, @will_lemon

Sources

Arain, M.,Haque, M., Johal, L., Mathur, P., Nel, W., Rais, A., Sandhu, R., & Sharma,S. (2013). Maturation of the adolescent brain. Neuropsychiatricdisease and treatment9,

449–461.

 

Bateman, A., Fonagy, P. (2010) Mentalization basedtreatment for borderline personality disorder. World Psychiatry. 9 (1), 11-15.

 

Germain, V.,St-Jean-Trudel, E. (2018) 10questions sur l'automutilation chez les adolescents et les jeunes adultes. MidiTrente Éditions.

 

Jefsen, O. H., Rohde, C., Nørremark, B., & Østergaard, S.D. (2020). COVID-19-related self-harm and suicidality amongindividuals with mental disorders. Acta psychiatrica Scandinavica142(2),152–153.

 

Madge, N., Hewitt, A., Hawton, K., de Wilde, E. J.,Corcoran, P., Fekete, S., van Heeringen, K., De Leo, D., & Ystgaard, M.(2008). Deliberate self-harm within an international community sample of youngpeople: comparative findings from the Child & Adolescent Self-harm inEurope (CASE) Study. Journal of child psychology and psychiatry, andallied disciplines49(6), 667–677.

 

Muehlenkamp, J. J., Claes, L., Havertape, L.,& Plener, P. L. (2012). International prevalence of adolescent nonsuicidalself-injury and deliberate self-harm. Child and Adolescent Psychiatryand Mental Health, 6, 10.

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